« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ! Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Luc 10:2). Sur cette base, l’Église prie pour les vocations. Mais la première des vocations est la vocation de chacun à la sainteté et à la construction du Royaume de Dieu. L’Église prie en particulier pour les vocations au sacerdoce, à la vie consacrée et au mariage. Un regard sur le siècle passé montre à quel point les vocations monastiques, religieuses et sacerdotales sont en déclin continu. De nombreuses communautés doivent fusionner diverses maisons, fermer des couvents et des monastères, les confier en gestion pour certaines activités voire les vendre... les grands ordres catholiques ne représentent plus que la moitié ou moins de ce qu’ils étaient au temps de leur apogée. C’est au pourquoi de cette tendance que je réfléchis.
Il est clair que la foi elle-même est en crise du point de vue numérique. De moins en moins de personnes se déclarent croyantes ou religieuses. Ceci est donc une première raison, car là où il n’y a pas de terrain fertile, la semence ne peut pousser ni porter de bons fruits. Cependant, même dans les contextes où la foi est vécue, il y a de moins en moins de vocations religieuses. La récolte est toujours plus abondante mais les travailleurs sont de moins en moins nombreux. D’une part, il faut comprendre que le rôle et la vocation des laïcs baptisés n’ont pas moins d’importance que ceux des religieux. D’autre part, l’importance spécifique de la consécration demeure.
J’ai rejoint la Communauté de Deir Mar Moussa en août 1999, et prononcé mes vœux perpétuels en septembre 2003. Nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui sont venus et repartis après moi. Seuls quatre sont restés : un moine et trois moniales. Depuis que le Père Paolo a fondé la Communauté avec Jacques, qui était encore diacre, en 1991 – il y a « longtemps », mais pas nécessairement du point de vue chronologique –, beaucoup ont essayé notre vie monastique, mais la Communauté ne compte aujourd’hui que quatre moniales et quatre moines – cinq avec Paolo –, en plus d’un postulant. Où sont passés tous les autres ? Certains ont découvert grâce à Deir Mar Moussa que leur vocation était ailleurs, dans le mariage, ou au sein d’une autre communauté religieuse, ou dans le sacerdoce diocésain, etc., et ils sont repartis heureux et consolés en louant Dieu. D’autres ont compris (ou nous l’avons compris) qu’ils n’étaient pas appelés ici, et, ne sachant où, ils sont partis continuer leur recherche, sans nécessairement être ni joyeux ni tristes. D’autres encore, cependant, sont repartis tristes et non consolés – ayant été blessés et nous de même – soit parce qu’ils n’ont pas accepté la réalité qu’ils ne sont pas appelés ici, soit parce que nous n’avons pas su les accueillir à cause de notre manque de charité et d’ouverture. Je voudrais demander pardon à ces derniers au nom de la Communauté et de l’Église.
Oui, même dans les nouvelles communautés, l’ouverture est nécessaire, surtout à la grâce de l’Esprit qui envoie de la nouveauté aussi bien dans les circonstances que dans les personnes. Saint Benoît dit dans sa Règle qu’il faut écouter attentivement le dernier frère arrivé car en lui l’Esprit pourrait parler plus que dans les frères plus anciens. Le danger de tomber dans le piège de la « vieille garde » et de se renfermer dès la première génération est bien réel. Soyons donc vigilants et ouvrons-nous à la nouveauté en nous et dans les autres, tout en veillant à ne pas tomber dans le piège des nombres en acceptant n’importe qui pour que l’Église n’ait pas à en payer le prix fort, même si en fin de compte, c’est Dieu qui sauve l’Église, et non nous.
J’ai appris en étudiant l’histoire que les communautés naissent avec leurs charismes, et quand un besoin spécifique n’existe plus, la communauté se dissout, c’est-à-dire qu’elle a alors le droit ou plutôt le devoir de mourir. Une fois l’esclavage formellement aboli, une communauté appelée à racheter les esclaves n’a plus de raison d’être et n’a donc pas à s’occuper de broder les vêtements liturgiques. Mais les raisons de la mort d’une communauté pourraient être autres. En tant que nouvelle communauté, nous sentons que notre charisme d’amitié islamo-chrétienne a une pertinence au service de l’Église universelle. C’est le Seigneur ressuscité qui nous demande : « Prenez soin de l’Islam pour moi ». Nous sommes cependant peu nombreux, avec une moyenne d’âge élevée, répartis sur trois monastères, avec moins de trois membres dans deux d’entre eux. Nous voulons que la Communauté reste jusqu’à la seconde venue du Christ, mais si rien ne change, elle risque de ne plus exister à la prochaine génération.
L’Église prie le Seigneur de la moisson, mais cela ne suffit pas. Ne devons-nous pas rayonner de joie en moissonnant malgré les douleurs des semailles ? Qui voudrait faire partie d’une communauté dépourvue de joie, d’un groupe craignant la fatigue et la lassitude ? Le moine aigre qui ne sait pas rire n’attire personne. Quand je me suis consacré, je ne me suis pas posé ce genre de questions, mais à présent, nous nous les posons en comptant sur la miséricorde de Dieu, et nous comptons aussi sur elle lorsque nous affrontons la pensée de la vieillesse ou la possibilité de mourir seul sur un lit dans une maison de retraite. Si Dieu le veut ainsi, ce sera notre offrande, mais si ce n’est pas le cas, nous devons faire quelque chose.
J’ai pris une initiative concrète en entreprenant une tournée des paroisses pour parler de la vocation en racontant mon amour pour Dieu, ou plutôt le Sien pour moi, disant à quel point je suis amoureux de Lui. Je présente la vie monastique comme un état d’amour de Dieu qui anticipe l’éternité dans le temps. Solo Dios basta, seul Dieu suffit, disait sainte Thérèse d’Avila.
En tant que communauté monastique al-Khalil, nous réfléchissons à la manière d’élargir l’espace de notre tente, de déployer sans lésiner les toiles qui nous abritent, d’allonger nos cordages et d’affermir nos pieux (Is 54:2). Nous avons donc entrepris un discernement sur la manière d’impliquer en particulier les laïcs, les nombreux amis qui souhaitent faire partie de la Communauté sans nécessairement prononcer des vœux monastiques. Le fruit de ce discernement sera-t-il semblable au tiers ordre franciscain ? Peut-être ! Nous sommes en tout cas ouverts à une forme de consécration que des gens mariés ou même des religieux peuvent vivre et professer. Deux éléments nous paraissent nécessaires pour ceux qui désirent une telle consécration : premièrement, une vie spirituelle personnelle fidèle à la prière individuelle et communautaire ; deuxièmement, la référence à notre Règle monastique, en particulier à notre charisme de fraternité islamo-chrétienne.
Dans les deux derniers Chapitres généraux, nous avons fortement ressenti l’appel à nous engager moins dans l’humanitaire propre aux ONG – sans toutefois ignorer les personnes qui frappent à notre porte –, pour donner plus d’espace à la prière et à la vie monastique, à l’accueil des gens, à l’écoute et au partage, à l’agriculture et au soin de l’environnement, à la bibliothèque et au travail intellectuel, etc. Nous ne voulons pas être des fonctionnaires mais des moines. Et nous continuons à nous dire : qu’y aurait-il de plus ?
Du point de vue institutionnel et charismatique, l’Église n’est pas en phase avec son temps – elle a du mal à parler le langage des jeunes, et beaucoup de ses bergers sont lents et sans zèle à chercher les brebis abandonnées. Nous ne sommes pas toujours capables « d’activer » l’esprit de prophétie qui est en nous, il semble que nous ayons oublié comment faire. Rappelons-nous cependant que ce n’est pas tant à nous de faire car c’est Lui qui agit ; nous devons juste essayer de ne pas L’étouffer avec nos peurs, nos préjugés, notre paresse et notre médiocrité. Nous devons faire autre chose, ou plutôt être autre chose. Nous les moines et nos églises orientales ne devons pas nous contenter d’être connus dans le monde et d’avoir beaucoup d’amis, car nous risquons l’extinction comme les pandas chinois. De nombreuses communautés meurent, entre autres, à cause de leur rigidité et de leur résistance à la nouveauté (prier dans certaines langues, d’une certaine manière, prêcher et parler comme on l’a toujours fait, penser le monde comme aux siècles passés en s’accrochant à des formes fossilisées de religiosité qui ne sont plus adaptées à l’homme d’aujourd’hui, discerner avec des critères rouillés, etc.). C’est une résistance au Seigneur lui-même qui fait toutes choses nouvelles (Ap 21:5). L’Évangile nous enseigne qu’on ne peut raccommoder un vieux vêtement avec une pièce d’étoffe neuve, ni mettre du vin nouveau dans de vieilles outres. Ouvrons les portes à la joie du Christ et au souffle de l’Esprit. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons cultiver le champ du Maître de la moisson. N’est-ce pas le sens de Noël, cette nouveauté qu’a porté dans son cœur une jeune fille très humble et courageuse de Nazareth nommée Marie, avant même de la porter dans son sein maternel ? N’est-ce pas cette même nouveauté que son courageux fiancé Joseph a accueilli ? La grande nouveauté ne réside-t-elle pas en ceci : Dieu se fait petit enfant ?
Joyeux Noël.
Frère Jihad Youssef, abbé.
Cette année aussi, nous avons eu un Chapitre important à Deir Mar Moussa (28 août – 6 septembre). Nous y avons passé en revue nos vies, discuté de nos projets et tracé les grandes lignes de l’année prochaine en remettant l’avenir entre les mains de Dieu. Nous avons réfléchi à la manière de vivre plus fidèlement nos trois priorités : la prière, le travail manuel et l’hospitalité abrahamique.
Notre charisme à construire l’harmonie et l’amitié avec l’Islam et les musulmans, que nous essayons d’aimer au nom du Christ, s’est concrétisé durant le Chapitre dans une visite à la mosquée du Cheikh Abdallah ad-Daghestani à Rukn ad-Dīn (Damas) pendant la prière du Dhikr qui se fait chaque jeudi soir à la louange de Dieu. Nous y avons été accueillis à bras ouverts par notre ami le Cheikh Ibrahim, et les moniales aussi par les sœurs de la mosquée. Nous avons prié, chanté et dansé la danse soufie avec eux, nos cœurs remplis d’un feu brûlant et nos âmes de consolation pour cette visite bénie. Le Cheikh nous a présenté à tous les participants comme des hommes et des femmes qui servent Dieu et les pauvres dans les montagnes de Nebek en nous réservant un accueil sincère, fraternel et chaleureux. Deux semaines plus tôt, une grande partie des moines et des moniales de la communauté monastique s’étaient déjà rendus chez Ibrahim pour partager un repas et visiter la tombe de son maître, le Vénérable Cheikh Abdallah, à l’intérieur de la mosquée. Le même jour, après une visite au sanctuaire du Grand Cheikh Ibn ʿArabī, le fils d’Ibrahim, Ahmad Bashir, nous avait accompagnés jusqu’au « Sanctuaire des Quarante », “Maqām al-Arbaʿūn”, auquel on accède par un escalier long comme celui de Deir Mar Moussa. Ce sanctuaire très ancien, qui est sis au-dessus de Damas et la garde, est dédié aux quarante Abdāl, des saints apotropaïques dont la puissante intercession détourne de la communauté des croyants les influences maléfiques et prémunit du malheur l’humanité entière. Selon la tradition islamique, il y en a quarante à chaque génération, dont vingt dans la région de Chām (Damas). Le fait que le sanctuaire ait été construit au-dessus de la grotte où, selon la légende, Caïn aurait tué son frère Abel, est très significatif. À l’intérieur de cette « grotte du sang », on peut encore voir la forme d’une bouche hurlante qui représente le cri d’horreur que la terre aurait poussé devant le premier meurtre, et, sur le plafond, la trace de la main de l’archange Gabriel que Dieu aurait envoyé pour empêcher la montagne d’écraser le fratricide. Sur les lieux du crime, trois niches de prière évoquent le pouvoir d’intercession ; l’une d’entre elle est celle d’Abraham —certainement l’un des Abdāl—, l’autre est pour Jesus et la troisième est pour al-Khaḍir « Saint George ». Le lieu est spirituellement très puissant, on peut le décrire comme l’espace de la « lutte » spirituelle, du jihad.
Nous aimerions ici réaffirmer l’importance de la relation avec nos amis appartenant à différentes églises et religions, affiliations spirituelles et culturelles, qu’ils soient croyants ou non-croyants.
Au cours du Chapitre, nous avons longuement réfléchi sur l’héritage spirituel que nous a légué le fondateur de notre Communauté, le Père Paolo Dall’Oglio ; sur la portée prophétique du fait d’être des hommes et des femmes et sur ce que cela signifie pour aujourd’hui ; sur la relation avec les laïcs et leur rôle dans l’Église ; et sur l’ouverture nécessaire aux nouvelles vocations. Le projet de publication des « écrits inédits » du Père Paolo, qui sont en fait des enregistrements en langue arabe, se poursuit : après la transcription, l’ébauche du texte arabe – prête grâce au travail assidu d’Adib Khoury – attend la traduction en langues européennes, très probablement en italien d’abord. Nous lisons ces conférences quand c’est possible dans le cadre de la prière du matin; elles sont principalement commentées par Jihad, ou par quelqu’un d’autre de la Communauté, pour la formation de la Communauté elle-même et des personnes présentes. La lecture de ces textes est une vraie bénédiction, elle nous recharge, nous console et nous confirme dans notre vocation.
Cette année, la présidente de l’Association des Amis de Deir Mar Moussa en Italie, notre amie de longue date Francesca Peliti, a publié, avec Effatà Edizioni, un livre en italien intitulé « Paolo dall’Oglio et la Communauté de Deir Mar Moussa – Un désert, une histoire ». Ce livre – comme l’écrit le P. Federico Lombardi dans sa présentation – nous raconte et nous explique beaucoup de choses, en donnant à juste titre la place principale aux témoignages personnels de tous les membres de la Communauté qui lui ont appartenu jusqu’à présent et d’autres qui ont participé plus profondément à son parcours à travers les années ». Lire les témoignages de nos compagnons de route s’est révélé intéressant : nous pensions bien nous connaître, mais en lisant le livre, nous avons découvert de nouvelles choses les uns sur les autres.(https://www.avvenire.it/chiesa/pagine/paolo-dall-oglio-e-la-comunita-di-...)
Cet été, Dieu nous a bénis avec l’arrivée de Ziad, un jeune maronite syrien de 28 ans, maintenant postulant. Trois personnes ont quitté Deir Mar Moussa. Jawdat, qui était novice, travaille maintenant à Erbil et cherche la volonté de Dieu dans la vie quotidienne. Denver est maintenant en Italie après avoir fait le mois de retraite ignatien ; elle a décidé de ne pas entrer au noviciat dans l’immédiat et de prendre plus de temps pour discerner la volonté de Dieu. Après le mois ignatien, Don Mario est également revenu dans la joie pour servir son diocèse de Biella dans le Piémont, même s’il avait les larmes aux yeux à son départ. Nous les remercions pour leur présence parmi nous, pour ce qu’ils ont partagé avec la Communauté, et nous les accompagnons dans la prière tout en continuant de prier pour de nouvelles vocations.
Jacques a passé une grande partie de l’année à Mar Moussa, travaillant dans le bureau et l’accueil des hôtes. Il a accompli son service spirituel et sacerdotal au monastère mais aussi dans diverses paroisses et communautés religieuses en Syrie et en Irak. Il a également participé à quelques rencontres et activités avec des amis en Europe. Son grand engagement fut surtout de poursuivre les travaux agricoles à Deir Mar Elian, de restaurer le tombeau du Saint et la chapelle où il se trouve, la grande église du monastère détruit et quelques pièces adjacentes. Le tout a été couronné par la reconsécration de l’église et de la chapelle du sanctuaire par les mains de l’évêque syro-catholique de Damas, Jihad Battah, ami de longue date de la Communauté, et de l’évêque syro-orthodoxe de Homs Matta el-Khoury. La présence des deux évêques à cette cérémonie constitue un acte solennel de réconciliation entre les deux églises de Qaryatayn, qui avaient eu de forts désaccords dans le passé sur la propriété du monastère. De nombreux prêtres du diocèse de Homs et bien des fidèles de Qaryatayn et des environs étaient présents avec de nombreux amis de la Communauté. À la fin de la messe du 9 septembre, jour de la fête de Mar Elian, ses ossements ont été redéposés dans le sarcophage restauré qui avait été détruit par l’État islamique en 2015. Deux chrétiens et deux musulmans de Qaryatayn ont apporté les reliques du Saint pour la plus grande joie de tous. Ce fut une véritable fête à la saveur nuptiale, où la communauté musulmane de Qaryatayn a offert le déjeuner à plus de 300 personnes présentes pour l’occasion. Les travaux agricoles et la restauration se poursuivent.
(photo de la consécration)
Après une visite à Cori pour rencontrer les amis italiens et assister à la soutenance doctorale de Jihad, Houda a passé le reste de l’année à Mar Moussa où elle s’est occupée du travail quotidien et de l’accueil des hôtes. Elle qui n’est pas dotée pour la cuisine prenait parfois son courage à deux mains pour faire des plats simples quand il n’y avait pas beaucoup d’hôtes. Elle aide également Jacques dans son travail d’économe avec le contrôle des comptes et d’autres travaux de bureau. Nous espérons que Houda pourra se consacrer davantage à l’écoute et à l’accueil spirituel des personnes.
Avec un grand dévouement, Jens continue de s’occuper du monastère de Maryam al-Adhra (la Vierge Marie) au Kurdistan irakien. Avec Friederike, il mène divers projets et activités culturelles. Jens accomplit fidèlement son service sacerdotal et apostolique au profit des religieuses carmélites indiennes qui dirigent la maison de retraite « Notre-Dame Mère de la Miséricorde », du diocèse chaldéen à Sulaymaniyah, de chrétiens irakiens déplacés, des étrangers – asiatiques et européens qui travaillent à Sulaymaniyah et fréquentent l’église du monastère. Jens est maintenant intégré et apprécié dans le presbytère chaldéen et entretient d’excellentes relations avec le diocèse de Kirkuk et de Sulaymaniyah. De temps à autre, il essaie de faire un saut en Europe pour des engagements communautaires et en profite pour s’occuper de sa tante âgée à Berlin.
Deema s’est rendue à Cori à la mi-août 2021 pour commencer son parcours de recherche afin d’obtenir son doctorat en théologie dogmatique à l’Université grégorienne de Rome. Récemment, elle a finalisé et présenté son « projet doctoral » après une longue recherche non dénuée de difficultés sur « Le martyre chrétien et le martyre musulman : de la dynamicité du concept à la possibilité du dialogue ». Nous attendons avec elle l’approbation du projet, avec la bénédiction de Dieu. En été, elle est retournée à Mar Moussa pour vivre en communauté, visiter sa famille et participer au Chapitre général. Elle aide les étudiants syriens qui étudient en Italie à s’inscrire à des cours et à tout ce que cela comporte. Fin septembre, au nom de la Communauté, elle a participé pour la première fois à la rencontre du DIM (Dialogue InterMonastique) entre des moniales et des moines chrétiens et non-chrétiens et des personnes de différentes religions et traditions, où elle fut invitée à parler de notre vocation. Elle a également donné une interview à l’Osservatore Romano (https://www.osservatoreromano.va/fr/news/2022-06/fra-026/un-chemin-de-lu...).
Yaussé poursuit avec enthousiasme son travail à l’atelier de bougies et de chapelets, aidé par quelques jeunes femmes de Damas qu’il a lui-même initiées au métier en leur offrant l’opportunité d’un travail honnête. Il implique également les amis et les visiteurs, ceux qui aiment fabriquer des bougies et des chapelets. Yaussé aide à gérer l’activité hôtelière au quotidien. Il est capable de cuisiner pour de grands groupes en préparant un plat unique en suivant les instructions de sa sœur au téléphone. En novembre, il a réorganisé et rouvert le magasin dans la vallée du monastère en utilisant une partie de l’espace disponible.
Après une présentation solennelle de sa thèse au Pisai de Rome, Carol persévère dans la rédaction de son doctorat en Islam qui porte le titre « Dieu en quête des hommes » sur l’appel de Dieu à l’homme dans le Coran. Son travail suscite beaucoup d’intérêt auprès de son directeur de thèse musulman qui a affirmé que son interprétation précise, profonde et spirituelle du Coran est enrichissante et en syntonie avec la sensibilité musulmane. Au mois d’octobre, elle a participé à la rencontre « Ensemble devant Dieu. Quelle place ont les musulmans dans la spiritualité chrétienne ? » organisée à Francfort par le centre pour la documentation et la rencontre islamo-chrétienne CIBEDO de la Conférence Épiscopale allemande. Elle a passé trois semaines au Liban avec sa mère opérée à l’épaule et est rentrée en Italie après un Noël en famille. Avec l’aide de Deema, elle supervise les travaux de restauration du monastère de SS. Salvatore.
Friederike soutient Jens dans l’organisation des différentes activités du monastère au Kurdistan et s’occupe également de l’atelier théâtral à visée thérapeutique. Elle a suivi diverses formations sur les traumatismes collectifs en ligne pour actualiser et enrichir son ancienne formation en thérapie des traumatismes et a à son tour offert un accompagnement thérapeutique à diverses femmes et filles pour les aider à guérir de blessures profondes. Dans cette partie du monde qui souffre tant, elle ressent le besoin qu’ont les personnes de ce service et le vit comme partie intégrante de sa vocation monastique. Friederike a participé à Rome en janvier et à Turin en novembre à la présentation du film documentaire « La conférence des oiseaux » du réalisateur et ami Shahab Kermani sur notre Communauté en Irak. Elle continue de rendre visite à sa mère âgée et malade en Allemagne au moins trois fois par an.
Un événement important pour Jihad, et pour nous tous, a été l’obtention de son doctorat en théologie biblique à l’Université grégorienne de Rome. Le sujet fait partie du domaine de l’héritage chrétien arabe, c’est-à-dire de ce qui a été écrit par des chrétiens en langue arabe. Dans sa thèse, Jihad a fait l’édition critique du commentaire inédit sur le Deutéronome par Ibn aṭ-Ṭayyib dans son Firdaws an-Naṣrānīya, « Le Paradis du christianisme » du XIe siècle. Beaucoup d’amis ont assisté à la soutenance, mais beaucoup n’ont pu le faire à cause de la limitation des places (due au Covid). Ils se sont ensuite retrouvés tous ensemble pour un petit agapè pour remercier le Seigneur pour lui avoir fait don de l’étude et du travail scientifique au service du Royaume et de la société. Les membres de la Communauté présents étaient : Houda, Jens (qui avait suggéré le thème à Jihad), Deema, Carol et Denver (encore postulante) ; l’esprit du Père Paolo était sensiblement présent, dans l’air, dans les sourires et dans l’amertume du silence sur son sort. Jihad est très reconnaissant à la Communauté qui lui a permis d’étudier en faisant un grand sacrifice, aux bienfaiteurs qui l’ont aidé à étudier, à son cher ami le Père Felix Körner, modérateur de sa thèse, et particulièrement à Denver qui l’a aidé à rédiger sa thèse en anglais. Jihad a remercié lors de la soutenance bien d’autres personnes qui ne sont pas mentionnées ici. Il espère publier bientôt l’extrait requis par l’université ainsi que l’intégralité de la thèse pour la recherche académique. Entre autres responsabilités en tant qu’abbé, Jihad est devenu membre du Conseil consultatif de la Société biblique de Syrie cette année ; comme première collaboration, une journée biblique a été organisée à Damas avec Mariana Assaf, bibliste, compagne d’étude de Jihad et amie du monastère. Un événement à répéter et à développer.
Dieu merci, nous avons enfin rouvert les portes de l’hospitalité après deux ans de fermeture quasi totale en raison de la pandémie. De nombreuses personnes et de grands groupes ont visité le monastère. Certains ont fait des retraites silencieuses pendant 4-5 jours : des retraites pour chrétiens dirigées par un prêtre ; et des retraites sous la direction d’un maître zen avec des participants musulmans et chrétiens. Des religieux et des laïcs ont également fait des retraites de discernement au monastère, ce qui nous rend reconnaissants à Dieu pour la grâce du lieu.
La situation économique en Syrie est catastrophique, avec un dollar qui vaut désormais 7.000 lires contre 48-50 lires avant la guerre en 2010. À cause des sanctions, il y a une pénurie de tout genre de marchandises, celles que l’on trouve sur le marché sont de mauvaise qualité et d’un prix extrêmement élevé, ce qui est dû en partie à l’augmentation folle des taxes imposées sur les quelques importations encore possibles. L’essence, le gasoil (pour le chauffage, les transports et l’industrie), le gaz pour la cuisine sont des denrées aussi rares que la vraie amitié et aussi chères que les diamants. Les médicaments et les soins médicaux deviennent de plus en plus un luxe pour certains. Nous demandons à tous d’être patients, et tout en invoquant le secours et la miséricorde de Dieu, de nous donner un coup de main pour faire face à cette situation, nous et les personnes qui frappent à notre porte.
Persévérants dans la prière et la patience, nous attendons un nouvel archevêque pour notre diocèse de Homs-Hama-Nebek.
(photo des groupes de prière peut-être avec le Père Andrea SJ)
Nos projets habituels vont de l’avant, chers amis, grâce à Dieu et à votre soutien économique et moral.
L’école de musique continue avec le grand engagement de tous.
Comme d’habitude, les demandes d’inscription au jardin d’enfants al-Qalamoun dépassent la capacité de l’établissement. L’élargissement, c’est-à-dire la nouvelle structure (Jardin d’enfants/Centre Pastoral) a redémarré après une longue pause causée par la difficulté d’assurer les fonds et de les faire parvenir en Syrie, mais aussi à cause de l’énorme perte que nous avons eue avec la mort de Nicola Habib Nicola, notre grand ami, collaborateur et entrepreneur qui a supervisé les travaux de construction de nos projets à Nebek, à commencer par les appartements pour familles jeunes et pauvres dès 2008. Nicola est malheureusement décédé sur le chantier après un accident de travail. Paix à son âme, nous nous souvenons de lui avec affection et gratitude. Maintenant que le système d’eau de base (eau salée et eau douce) et les travaux de chauffage sont terminés, nous espérons finaliser les travaux d’ici la fin de l’été.
Grâce à la fidélité et à la générosité des bienfaiteurs, que Dieu les récompense, nous sommes en mesure d’aider une partie de la population pour les soins médicaux dont le coût ne cesse d’augmenter et que seuls les plus aisés peuvent se payer. Tout montant est insuffisant pour répondre à ce besoin.
Nous continuons d’aider une cinquantaine d’étudiants et d’étudiantes à étudier dans les universités de Damas et de Homs, avec une participation aux frais de transport, au loyer de la chambre, aux frais universitaires, etc. Nous facilitons également les contacts entre les étudiants syriens et les universités italiennes pour l’obtention de bourses. De nombreux amis nous y aident : professeurs, familles, communautés religieuses et associations qui accueillent les étudiants chez eux et leur offrent le gîte et le couvert. Nous les remercions tous pour leur formidable soutien en vue d’un avenir meilleur pour la Syrie et le monde.
Cette année encore, grâce à votre aide, nous avons pu fournir une aide pour le chauffage à environ 350 familles à Qaryatayn, Nebek et dans d’autres régions. Une aide que nous aimerions pouvoir répéter en 2023 au moins deux ou trois fois.
La production du potager dans la vallée du monastère a été bonne et nos poules (achetées) sont de plus en plus nombreuses. La récolte de l’oliveraie était peu abondante mais suffisante pour assurer l’approvisionnement annuel en olives vertes et noires, mais pas en huile. Nous continuons à agrandir les terrasses d’oliviers plantés dans des champs escarpés, afin de sécuriser les travaux de la récolte. L’agriculture et la protection de la nature sont importantes en elles-mêmes ; elles ont en effet une valeur non seulement environnementale et esthétique, mais aussi humaine et religieuse. Nous souhaitons poursuivre la récupération des terres sauvages afin de les rendre utilisables pour les travaux agricoles et pour lutter contre la désertification, avec l’importation de bonnes terres venues d’ailleurs et la plantation d’autres oliviers et arbres fruitiers. Un premier pas a été franchi, mais il reste encore beaucoup à faire : chianu chianu (petit à petit), comme disent les Napolitains.
Nous remercions l’équipe de nos collaborateurs, Marwan, Hussein, Amin, Abu Riad, Youssef Bali, Youssef Hanna, Diab, et d’autres, qui ont rendu cela possible.
Après une interruption d’un an, la responsabilité du monastère Mar Elian à Qaryatain nous a été confiée à nouveau par le nouvel administrateur patriarcal du diocèse de Homs, Hama, Nebek, Mgr Rami al-Kabalan. En plus de ce qui a été dit plus haut, nous avons repris les travaux agricoles en arrosant avec l’eau du puits à l’aide d’un système de panneaux solaires. Nous offrons une aide pour restaurer les maisons des familles chrétiennes qui souhaitent retourner vivre dans la ville après la catastrophe du déplacement. Toute une équipe d’amis chrétiens et musulmans accomplissent le travail avec joie et zèle, dont Abu Tawfiq, Thā’ir et Haitham.
(photo du projet agricole à Mar Elian)
Monastère de San Salvatore - Cori
Enfin, les travaux de restauration ont repris au monastère et nous en sommes aux dernières phases des travaux prévus dans l’église et le presbytère.
Nous espérons pouvoir reprendre nos activités habituelles dès que les travaux seront terminés : la rencontre islamo-chrétienne « Avec Marie, Vivre Ensemble en Paix » et la semaine « Portes ouvertes ». Cela nécessite votre aide organisationnelle, chers amis, en particulier les Italiens d’entre vous.
La sollicitude paternelle envers nous de Son Excellence Mariano Crociata, évêque de Latina, augmente notre conviction que Dieu a béni notre présence en ce lieu. Nous remercions le Diocèse de Latina en la personne de son Ordinaire pour son soutien constant, y compris économique, qui nous aide entre autres à faire face aux coûts imprévus de la restauration.
Notre gratitude envers la Paroisse de Santa Maria della Pietà, ses paroissiens, son curé et ses collaborateurs est toujours vivante. Nous apprécions leur accueil et leur fraternité depuis maintenant vingt ans.
Avec la canonisation du frère universel Charles de Foucauld sur la place Saint-Pierre au Vatican, notre Communauté de Cori a vécu un événement significatif pour notre vocation et les sources de notre spiritualité. Cette canonisation tant désirée par le Père Paolo est certainement un motif de joie et de consolation pour nous tous.
Monastère de la Vierge Marie – Sulaymaniyah
Grâce au travail de plus en plus efficace du groupe qui assiste Jens et Friederike, les deux membres ont pu venir tranquillement au Chapitre en Syrie.
Les cours de langues (arabe, kurde et anglais) se poursuivent dans le cadre de l’initiative « Dangakan » (voix en kurde), avec plus de 1.300 inscrits en 2022.
Le chantier théâtral de Sabun Karan a mis en scène deux pièces de théâtre dont les textes ont été écrits par le metteur en scène Radwan et une jeune réfugiée, tous deux Syriens.
Notre « Forum » comme espace commun de réflexion intellectuelle s’est poursuivi avec des « cercles de lecture », et divers livres ont été discutés avec la participation de nombreuses personnes. Jens continue également de mettre à jour les livres de la bibliothèque à cette fin, en particulier lors de la foire annuelle du livre qui se tient à Sulaymaniyah.
Les cours continuent en collaboration avec JWL, « Jesuit Worldwide Learning » ; nous aimerions développer davantage cette possibilité au profit des nombreux étudiants intéressés. (www.jwl.org).
La restauration de l’église attend l’appui de quelques bienfaiteurs. Entretemps, nous avons sécurisé le mur oriental qui était décadent en le fortifiant avec une structure en fer robuste de l’extérieur pour éviter qu’il ne cause des dommages aux personnes et pour pouvoir continuer à utiliser l’église pour la prière.
À l’occasion de la première visite du frère Jihad comme abbé (de sa deuxième comme moine) à Deir Maryam al-Ahdra, Son Excellence Mgr Youssef Toma Mirkis, l’évêque de Kirkuk et Sulaymaniyah des Chaldéens, a signé un accord avec notre Communauté, contresigné par l’abbé, qui confirme notre rattachement à son diocèse. La visite de Jihad a duré moins d’un mois au cours duquel il a partagé la vie du monastère, vu ses activités et ses projets, rencontré des amis et le nouveau personnel, et donné une conférence à la Faculté de Théologie de l’Université de Babel à Ankawa (Erbil).
La Communauté exprime une gratitude particulière aux amis du monde entier, en particulier aux Associations des Amis de Deir Mar Moussa en Italie, en France et en Suisse, qui nous accompagnent avec persévérance, amour et générosité, attentifs à nos besoins matériels et moraux. Nous ressentons la même gratitude envers les organisations catholiques, les autres institutions chrétiennes et ONG qui nous soutiennent depuis des années et sont nos partenaires dans notre cheminement au service de la paix, de la justice et de la recherche du bien commun de l’humanité entière.
Nous tenons à vous remercier, chers amis, et à remercier le Seigneur pour vous. Vos dons, petits ou grands, toujours généreux, que vous nous faites parvenir par l’intermédiaire de la fondation Magis – que nous remercions sincèrement pour leur soutien constant et leur amitié ! –, ou par celui des associations d’amis qui nous sont liées, ont été fondamentaux pour faire avancer notre engagement commun en faveur des pauvres, pour la paix et la justice, le développement humain et le bien de tous, à côté de l’engagement spirituel d’amitié avec le monde musulman dans l’horizon d’une fraternité universelle entre tous les hommes et toutes les femmes de la terre. Nous voudrions pouvoir vous remercier un à un, comme il se doit, pour votre fidélité et votre foi dans le Bien et le Beau (synonyme de Sainteté), mais ceci ne nous est pas toujours possible en raison de difficultés logistiques et de l’absence de certaines adresses.
Le travail en Syrie et dans les pays voisins comme le Liban est bon marché et sous-payé, un seul emploi ne suffit pas pour subvenir aux besoins d’une famille ou pour en fonder une ; pour l’écrasante majorité des familles, une vie digne n’est pas possible même si les deux parents travaillent honnêtement. La tentation de la corruption, devenue un savoir-faire, est aujourd’hui très forte. Le « marché noir », en réalité un marché d’esclaves, contrôlé par des groupes mafieux, est maître de la situation. Ainsi, les pauvres, « submergés » ou « damnés » – pour reprendre la terminologie de Primo Levi – sont de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux, et les riches de plus en plus riches et de moins en moins nombreux. Le pourcentage de personnes et de familles qui souhaiteraient quitter la Syrie est exorbitant.
Malgré tout nous n’avons jamais baissé les bras, nous n’abandonnons ni n’abandonnerons la partie, ayant offert notre vie à Dieu sans retour. Nous prions sans cesse et nous engageons à faire cesser les guerres. Ce que nous avons subi au Moyen-Orient a contaminé l’Europe, comme une métastase cancérogène. Le temps est – depuis longtemps déjà ! – venu pour l’humanité d’apprendre la leçon, de comprendre enfin que nous ne pouvons nous sauver nous-mêmes, que seul l’amour nous sauve, seul le pardon nous guérit et seule la solidarité nous protège de l’autodestruction. Jetons les épées et les couteaux, retroussons nos manches et prenons les charrues, les houes, les faux, la plume, l’étude, la flûte et la guitare, pour rendre le monde meilleur pour nos enfants. Ayons le courage de dire concrètement « non » au mal, à la course aux armements et aux armes de destruction massive. Travaillons à abattre les murs de séparation et à devenir nous-mêmes des ponts. Nous voulons fidèlement garder notre consécration baptismale et monastique exempte de paresse et de médiocrité, nous désirons être enflammés par l’Amour de Dieu et du prochain pour témoigner que Dieu S’est fait proche par Amour. N’est-ce pas cela Noël ?
En espérant que vous ayez pu pleinement vivre la Nativité glorieuse du Christ, nous vous souhaitons un Nouvel An de paix, de joie et de consolation spirituelle.
La communauté monastique al-Khalil de Deir Mar Moussa
Décembre 2022
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